Cissé Aliou-SamTurray: l'étoile filante de l'Africa Sports

Merci à la Côte D'Ivoire

L'Africa Sports et moi: un rêve brisé

Sam-Turray, le goléador de l'Africa Sports (1975-1978): les defenseurs les plus rugueux n'y ont vu que du feu!

Larsen Touré, International Guinéen: L'ex Lillois est en effet le fils de son père. 

 

Mady Touré (Cissé Aliou-Sam Turray)

"Au sommet de la gloire chez les "oyés", je préférais le repas sobre d'un supporter lambda, au festin du gros bonnet. Voici comment je me suis fait des ennemis." Cissé Aliou-Sam Turray(Mady Touré).

 

 

 

"Aliou Cissé: une étoile est née à l'Africa", titrait le quotidien Fraternité Matin, au lendemain de la rencontre historique Africa Sports - GAC de Bouaké (5-3). Avec ses 4 coups de pattes magiques, la réputation de ce filiforme athelète (1.80m) à la pointe de vitesse hors norme qu'on appelait aussi Sam Turray, restera à jamais gravée dans les annales du football ivoirien.

A l'issue de ce premier match de championnat 1976-1977, Mompeho Jean-Baptiste, redoutable défenseur de l'équipe de Bouaké qui comptait en son sein Kobinan kouma, zogbo Tapé Severain et Apessika Daniel avouera: " je ne connaissais pas ce Cissé Aliou alias Sam Turray mais il nous en a fait voir de toutes les couleurs".

A son actif, le trophée du meilleur joueur, champion de la ligue, vainqueur de la coupe nationale. Avec Sam Turray, l'Africa caracolait en tête du championnat de 1ère divivision de Côte d'Ivoire de 1976 à 1978. Et ce fut le départ en Europe aussi soudainement qu'il est apparu sur l'échiquier national, à l'époque où la rivalité Asec-Africa s'étendait à toute l'Afrique de l'ouest. L'énigmatique Guinéen vit aujourd'hui une retraite sportive bien méritée en France.

Nos reporters ont pu le rencontrer pour l'une des rares interviews jamais accordées à un organe de presse, sans aucun doute, par le joueur étranger le plus doué et le plus populaire que le championnat ivoirien ait connu.

Ivorycoasttribune.com: Aliou Cissé, comment allez-vous?

A.C: je me porte bien comme vous le constatez. (rires).

I.T: vous vivez seul dans ce cottage avec des pigeons?

A.C: oui, les pigeons ne viennent qu’à ceux qui sont de bonne foi. Pendant 3 mois, ils ont hésité à s'approcher. Le jour où l'un d'eux s'est posé sur mon épaule, les oiseaux et moi avons célébré. Je venais de relever un autre défi. Je vivais une période sombre de ma vie. Ils m'ont redonné espoir. Salissant le jardin mais jamais l'intérieur de la bâtisse.

Vous savez, quand France Inter m'a sollicité, ça ne m'a pas intéressé. Je savais que mes frères ivoiriens viendraient un jour. Et vous voici.

Avant de continuer, j’ai l’obligation morale de vous donner une information capitale. Je me nomme en réalité, Mady Touré.

I.T: ah oui ? Expliquez à nos lecteurs.

A.C: ok, je suis né Mady Touré, en Guinée Conakry. Après un bref passage au Hafia FC de Konakry et au Sily National de Guinée en compagnie du meilleur de notre génération, feu Mory Koné, j'ai émigré en Sierra Leone où vivait mon frère aîné Sam.

Je faisais les beaux jours de Blackpool, l'équipe de l'armée nationale. Au point où, dans tout le pays des chansons étaient composées à la gloire de cette équipe. Naturellement, il m'a été proposé de jouer en équipe nationale.

Tout va très vite. La fédération m'établit un passport avec le surnom de mon frère qui est Sam, d'où la combinaison Sam Touré (Sam Turray)

I.T: d'où vient l'autre nom, Aliou Cissé Alors?

A.C: c'est encore plus rocambolesque. Avec l'équipe nationale Siérra léonaise, nous sommes en escale à Abidjan (en partance pour le Niger) et je rencontre Mr Akran Jean Baptiste, capitaine de l"Asec à l'hotel Konankro à Marcory. Il me propose de revenir à Abidjan pour jouer à l'Asec après la rencontre internationale. Mais voici le scénario. Depuis la Sierra Léone je me disais, il faut que je joue à Abidjan. Alors à l’hotel je faisais de temps de petits tours dehors dans l’espoir de rencontrer quelqu’un à qui je pouvais en parler. Akran, à ce qu’il parait avait ces habitudes à konankro parcequ’il savait que toutes les équipes étrangères  logeaient là, donc il venait dans l’espoir d’attraper un future pion pour l’Asec. Etant le seul francophone du groupe, le destin a joué son rôle. J'ai tout de suite accepté. A l'époque, notre rêve en Guinée n'était pas d'aller en Europe... C'était plutôt jouer pour un des clubs phares d'Abidjan.

Ainsi, je quitte Freetown par la route en passant par le Liberia et quelques jours plus tard je débarque à Abidjan au Plateau vers 9 du matin. Comme convenu, je me renseigne et j'insiste que je suis invité par Mr Akran Jean Baptiste. Mais, impossible de rencontrer M. Akran. Il serait en stage avec l'équipe nationale.

Sans le sou, après avoir traîné partout dans les rues, je me retrouve par hazard vers 19h dans le quartier de Treichville où des amis guinéens m'ont reconnu. Ils étaient supporters de l’Africa Sport, donc c’est naturellement qu’ils me présentent aux dirigeants "Oyé" par l'intermédiaire de Sékou Coulibaly, un junior de lépoque qui était en stage avec l'équipe de Côte D'Ivoire à l'hôtel Sebroko. Mes amis l'ont convaincu de me faire connaître auprès du Président Guy Ayéna.

Un sérieux problème se pose, car nous sommes au-delà de la date de clôture des signatures à la FiF. C'est ainsi que les dirigeants me proposent une licence avec le nom Alioune Cissé, que Sékou Coulibaly avait piqué dans le registre des élèves de l'école privée que gérait un de ses parents à l'époque.

Sekou et un certain Adrien qui travaillait à la FIF se seraient introduits dans les bureaux du siège une nuit, pour falsifier tous les registres. La licence de Alioune Cissé a été homologuée cette nuit là. Cet élève d'un Collège privé de Treichville n'a jamais su pourquoi son nom était devenu si populaire à l'époque.

Par la force des choses, je suis devenu Alioune Cissé ( écrit Aliou Cissé dans la presse locale) en Côte d'Ivoire, après un essai en match amical au Parc des Sports. Je ne me souviens plus du score de ce match ni de l'équipe adverse, mais tenez-vous bien, j'ai joué en short "Jeans" et paire de tennis.

L'Africa n'avait pas suffisamment d'équipements, à plus forte raison, habiller un tout nouveau comme moi. Le lendemain, nous nous sommes rendus chez un commerçant Libanais pour m'acheter des équipements.

Je tiens à lancer un appel à ce sujet aux jeunes qui aspirent à une carrière. Ne vous laissez pas empêtrer dans des combines d'âge ou d'identité. J'étais jeune et talentueux. Chacun a tout fait pour m'avoir dans son équipe mais j'ai payé le prix fort. A l'époque, j'ai écopé de trois mois de suspension et ça nous a coûté le championnat d'Afrique contre les Silures de Bobo. Je ne pouvais pas aider l'équipe.

Quand j'ai été convoqué par la FIF, pour savoir d'Alioune Cissé ou Sam Turray qui j'étais réellement, l'instruction de l'Africa était de me taire. Et c'est ce que j'ai fait.

Le plus grave, c'est qu'en réalité je n'étais ni l'un ni l'autre. J'ai profité de ma suspension pour retourner en Guinée recupérer mon acte de naisance avec ma mère. Je l'ai conservé jalousement en lieu sûr, parce qu’en fin j'avais une identité.

En France, j'ai régularisé tout ce bazar qui me pourrissait l'existence.

I.T : qu'est devenu Akran dans toute l'histoire.

A.C: c'est triste mais je n'ai jamais pu en parler avec M. Akran Jean Baptiste. La rivalité entre l'Africa et l'Asec était telle que les deux équipes se sont retrouvées une fois à bord d'un avion pour un match de gala...Saison 1976-1977. Nous allions à Odienné pour la coupe Lamine Diabaté. Il m'était interdit de lui adresser la parole. J'ai joué contre Akran ce jour là, en remplacement de Gnaléko Casimir et j'ai marqué le seul but de la rencontre.

J'ai appris récemment, 40 ans plus tard, qu'à notre retour vers minuit Mr Akran et le Ministre M'bahia Blé Kouadio ce sont rendus à mon lieu de résidence pour proposer 3000.000f CFA à Sékou Koulibaly afin de me convaincre de rejoindre l'Asec. Sekou et moi, étions co-locataires. Il ne m'en a jamais parlé. Je regrette toujours de n'avoir pas pu discuter avec Akran.

Vous savez, Sekou Coulibaly, c'est Monsieur Africa. A son âge, en 1976 il refuse l'offre de 3 millions de la part d'un ministre pour me garder à l'Africa. Curieusement, tous les étrangers qui sont passés à l'Africa ont été encadrés socialement par le petit Sékou. Il est resté ami à tout ce beau monde dont Georges Wéah, l'actuel Président du Libéria. C'est un homme intègre.

Un autre regret, c'est de ne pas avoir pu épouser une femme Bété de Gagnoa (rires). C'est par l'intermédiaire de mon coéquipier Lébry Manahoua que j'ai découvert ces beautés ivoiriennes. Vous savez, malgré nos efforts à l'époque, nous n'avions en retour que la gloire et les belles femmes. Aujourd'hui, nos enfants sont hyper riches grâce au football. Il y a également la chanteuse Nayanka Belle que j'admirais beaucoup, mais j'étais déjà en France quand elle a connu le succès.

I.T: comment se passe l'après football?

A.C: après ma brève carrière pro. J'ai été entraineur-joueur chez Colgate-Palmolive avec un emploi au sein de l'entreprise parcequ'il aurait été trop coûteux de me remunerer comme professionnel. Depuis... Je suis à la retraite. Je suis père de 6 gosses, dont l'un est toujours en activité pro-football. (Larsen Touré, ancien international guinéen). Mes enfants m'ont donné 4 petites filles.

I.T: vous vivez une retraite dorée?

A.C: je dirais que je ne regrette pas l'aventure professionnelle. Sutout que je sais que certains de mes pairs qui n'ont pas pu avoir le courage de partir ou qui en ont été empêchés, sont malheureusement décédés dans des conditions déplorables, pour un grand nombre. Pourtant, ils faisaient vibrer les stades tous les dimanches. Ces garçons ont tout donné à leurs nations et à leurs clubs respectifs. Lébry Jerôme avait conclu son essai à Bordeaux. Il a été retenu au pays et on connait la suite.

C'est le lieu de rappeler ici que ce problème d'anciennes gloires négligées par leurs pays ne se limite pas seulement à la Côte d'ivoire qui est , il faut l'avouer, l'un des rares pays à essayer de revaloriser ces dignes fils qui ont porté haut le fanion de leurs nations respectives.

L'Afrique souffre de ce problème. Chez moi en Guinée, on peut citer des perles rares comme Amara Touré, Bengaly Sylla, Papa Camara, Mory Koné, disparus sans honneurs , mais il y en a qui sont encore là et qui méritent une reconnaissance nationale avant qu'il ne soit trop tard. Ces gens ont de la famille.

Un monsieur comme Ousmane Bangoura Eusobio et l'autre, Moussa Suler; Ils sont bien là. Il est temps que la Guinée reconnaisse leur valeur. Les anciens du Hafia, Kaloum ,Horoya, du Syli National ne doivent pas être oubliés. Partout en Afrique, ayons le courage d'aider nos anciens champions.

Voyez-vous, Bruno Belone en France. Il avait tout perdu. Il était à la rue. Mais la nation l'a sorti de la rue pour services rendus. Nous avons besoin de ce genre d'actes forts chez nous.

IT: de Côte d'Ivoire, vous vous envolez pour la France. Comment  êtes-vous accueilli ?

AC: ah ça! J'ai reçu une offre du Paris St Germain où je devais signer (l’essai était une formalité). C'est à l'issue du tournoi ID entre le Hafia de Conakry, St Etienne, le CSK Sofia et l'Africa Sports que les parisiens ont voulu m'acheter. J'avais marqué 4 buts contre le Hafia de Conakry en présence de tous les monstres sacrés de la Guinée de l'époque, dont Naby Laye "Papa" Camara et le ballon d'or Cherif Souleymane. Durant cette rencontre, Papa a supplié sékou de me dire d'arrêter l'humiliation. J'en avais aussi planté 5 contre le CSK Sofia (meilleur buteur du tournoi avec 9 buts).

Il faut dire que la date de départ sur Paris coincidait avec celle d'un match amical au Zaire. Zinsou n'a pa digéré que je m'absente pour un simple match amical à la fin du championnat! Pourtant ma signature au PSG aurait enclenché une nouvelle ère à l'Africa Sports, au moment même où le grand rival Asec n'avait pas encore rêvé de construire une académie. D'ailleurs avant le PSG j'ai été contacté par le FC 105 de Libreville au Gabon. Quand J'y suis allé pour visiter les installations, ce sont les militaires Gabonais qui m'ont reçu à l'aéroport. L'essaie était concluant, mais il fallait choisir entre continuer de jouer en Afrique ou tenter l'experience Pro. A mon retour à bord de l'avion, les soldats m'ont remis une enveloppe bourrée de sous (c'est la première fois que j'en parle). J'ai du proposer l'offre à un compatriote guinéen qui venait d'arriver pour tenter son aventure à l'Africa Sports (un jeune de teint clair dont je ne me souviens plus le nom). Il a eu une carrière florissante au Gabon. S'il est encore avec nous, il pourra en témoigner un jour.

A suivre.... A suivre...A suivre.....A suivre.....

 

 

 

 

 

 

 

Sam Turray: dans la douleur, il file tout droit vers les buts adverses. Photo/Archives BJLT

 

De gauche à droite Sam Turray, Kouamé Lucien, Lebry Manahoua: la dynamite de ce trio a endeuillé les adversaires des oyés (1975-1978) Photo/ BJLT

Sam Turray et Lebry Manahoua: le triomphe des monstres sacrés.Photo/BJLT

ivorycoasttribune.com

De gauche à droite: Sam Turray, Miezan Pascal, Lebry Manahoua (le triangle de diamant existait il ya 40 ans)/photos archives BJLT

Publié par Claude B. Djaquis & Billy Jenkins ivorycoasttribune.com [email protected] Le [email protected] *Remerciements à Bollou Joachim/Archives *Sekou Koulibaly, ex Africa sports.