Côte d'Ivoire : l'ancien président Gbagbo peut-il être dédommagé par la CPI ?
Acquitté définitivement le 31 mars dernier par la Cour pénale internationale (CPI), l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo
prépare son retour au pays depuis Bruxelles, où il réside.
Il est désormais totalement libre.
Accusé d'avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité pendant la crise post-électorale de 2010-2011, qui a fait plus de 3 000 morts, l'ancien président ivoirien a été arrêté le 11 avril 2011 à Abidjan par les forces du président Alassane Ouattara.
Après huit mois de détention à Korhogo, il a été transféré à La Haye fin 2011. Gbagbo a été emprisonné au pénitencier de Scheveningen jusqu'à son acquittement en première instance en janvier 2019. Au total, il a passé près de huit ans derrière les barreaux et plus deux ans en liberté conditionnelle à Bruxelles.
Une "erreur judiciaire grave et manifeste"
Désormais définitivement acquitté, Gbagbo peut réclamer des dédommagements à la CPI pour le temps qu'il a passé derrière les barreaux. Le statut de Rome, qui régit le fonctionnement de cette juridiction internationale, prévoit ce type de recours.
L'article 85(3) du Règlement de procédure et de preuve de la CPI stipule que "dans des circonstances exceptionnelles, lorsque la Cour constate des faits concluants montrant qu'il y a eu une erreur de justice grave et manifeste, elle peut, à sa discrétion, accorder une indemnisation, selon les critères prévus dans le Règlement de procédure et de preuve, à une personne qui a été remise en liberté à la suite d'une décision définitive d'acquittement ou de clôture de la procédure pour cette raison."
Pour bénéficier de cette indemnisation, les demandeurs doivent se référer à la règle 173 du Règlement de procédure et de preuve de la CPI. Le texte stipule que "Toute personne sollicitant une indemnisation pour l'un des motifs indiqués à l'article 85 présente une requête écrite à la Présidence, qui désigne une chambre composée de trois juges pour examiner la requête. Ces juges ne doivent avoir participé à aucun arrêt antérieur de la Cour concernant la personne qui présente la requête."
Le précédent Bemba
La requête doit être présentée dans les six mois suivant la décision finale de la Cour sur l'affaire, donc avant le 31 septembre pour Gbagbo. Elle doit également indiquer "les motifs et le montant de l'indemnisation demandée".
Une fois formalisée, "la demande d'indemnisation et toute autre observation écrite de la personne déposant la demande sont transmises au Procureur", qui "a la possibilité de répondre par écrit". La Chambre délibère ensuite sur l'affaire et informe les deux parties de sa décision.
Ces demandes de dédommagements sont souvent confidentielles. C'est également le cas pour Gbagbo, dont l'équipe juridique refuse "pour l'instant" de commenter la demande qu'elle a envoyée aux juges de La Haye.
Des précédents comparables existent dans les arcanes de la CPI. Après plus de dix ans de détention, l'ancien vice-président de la République démocratique du Congo Jean-Pierre Bemba a été acquitté en juin 2018 des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité qu'il était accusé d'avoir commis en République centrafricaine en 2002-2003. Ses avocats ont alors réclamé plus de 68 millions d'euros (82 millions de dollars) de compensation.
Mais, selon un communiqué de la CPI publié en mai 2020, les juges "n'ont pas estimé que Jean-Pierre Bemba avait suffisamment établi qu'il avait subi une erreur judiciaire grave et manifeste" et ont donc refusé de lui accorder une indemnisation. Cependant, l'ancien détenu congolais n'a pas baissé les bras et a lancé une nouvelle procédure avec ses avocats.
ivorycoasttribune.com