Brima Mazzola Kamara: Un "prédateur" au Félicia!

Brima Kamara: Le "tueur silencieux" de l'Africa Sports.Photo/ BJLT

 

Après le départ de la superstar Sam Turray à la fin des années 70, la décennie 80 a consacré le règne sans partage de l'Africa Sports d’Abidjan sur le football ivoirien. Adossé à une fortune inépuisable, le président Simplice Zinsou n'avait pas que pour allié le verbe qu’on lui connait. Il bénéficiait de la toute puissance de la République et, cerise sur le gâteau, des sponsors tels que "Les Résidences Malardeaux", "La bière 33",  "Sivomar" etc... Pour dérouler le tapis rouge à sa "légion étrangère",  en recrutant parmi les meilleurs talents d'Afrique.

 

 

               

De gauche à droite: Pdt Simplice Zinsou, Brima Kamara et Simeon Awuah

Ainsi, Ismaël Dayfan, une virtuose du "Jogo Bonito" au tempo déroutant et une élégance hors pair débarque de Freetown, vivier de perles rares. A ses côtés, un "tueur silencieux". Une machine à marquer des buts grâce à qui l’Africa accumule titres et trophées. On se souviendra toujours de lui comme celui qui domptât l'éternel rival Asec Mimosas et son emblématique « goalier », Koffi Kouadio Dino Zoff. 

"Un ami et un frère, Ismail Dyfan (REP). Un des plus grands footballeurs (10) que mon pays, la Sierra Leone n’ait jamais produit. Notre partenariat a fait vibrer les stades, du collège à l'équipe Nationale, grâce à nos prouesses techniques et notre capacité à marquer des buts inoubliables au plus haut niveau. J'espère qu'il continuera de reposer en paix." Brima Mazzola Kamara(9).

I.T. vous arrivez en 81 à l’Africa Sports qui est encore groggy après le départ de Sam Turray, cet autre buteur venu de Sierra Leone. L’avez-vous connu ?

Brima Mazzola : Sam était un devancier que nous admirions tous. C’est un guinéen qui a été naturalisé pour intégrer l’équipe nationale de mon pays. Quel talent !

I.T : comment avez-vous atterrit chez les aiglons alors? C’était lui la connexion ?

Brima Mazzola : C’est plutôt par l’intermédiaire de Cheick Ibrahim fofana, un journaliste Sierra Léonais qui travaillait en Côte d’Ivoire. Au cours d’une discussion avec Simplice Zinsou, celui-ci lui demande s’il pouvait lui trouver de bons joueurs dans son pays.

Plus tard, les Eastern Lions de Ismaël Dyfan font escale à Abidjan après une rencontre en Haute Volta (actuel Burkina-Faso). Le journaliste informe Zinsou que l’un des joueurs qui pourrait l’intéresser doit jouer un match amical contre le Stella à Abidjan. Après la rencontre avec Simplice Zinsou, Ismaël est rentré au pays pour m’informer parce que nous formions une belle paire en équipe nationale.

I.T : Quelles étaient les clauses de votre contrat, si ce n’est pas indiscret?

Brima Mazzola : Il n’ya pas eu de contrat. D’ailleurs mon club a refusé de signer ma lettre de sortie. Il n’ya jamais eu de discussion autour d’un montant à nous payer ni à nos dirigeants. Jeune, ignorant, sans manager ni conseiller, pour moi, c’était dorénavant l’africa sports ou rien.

Mon club a exigé un contrat mais j’avais hâte de me retrouver à Abidjan. En rétrospective, Ce fut une grosse erreur, mais je cherchais à progresser par tous les moyens. Le club qui accueille un jeune devrait être dans l’obligation de le faire dans un cadre légal, car le business doit profiter à celui qui y ajoute de la valeur. Notre expérience doit servir de leçon.

Nous sommes allés tout droit à l’entrainement le jour de notre arrivée à Abidjan pour rencontrer nos nouveaux co-équipiers.

La même semaine nous avons battu le Stella de Gadji Celli en ¼ de finale (2-1) de la coupe nationale. J’ai marqué l’un des buts, En un temps record, Coach Nomovich a discipliné mon jeu. En ½ finale, nous avons éliminé l’Asec Mimosas 2-1. J’ai encore marqué.

I.T :avez-vous toujours joué avant-centre ?

Brima Mazzola : Comme je l’ai dit tantôt, on m’appelait aussi le sorcier de la ligne de touche à cause de mes dribles déroutants sur la ligne, mais à Abidjan, les coaches on développé mon physique et mon positionnement en pointe.

Je me souviens encore. Nous avions un ailier, Adama Coulibaly, qui allait très vite mais avait du mal à conclure, donc les instructions étaient simples de la part du coach. Fais tout ce que tu as à faire et cherche Brima à la fin pour marquer. (Rires).

L’autre génie, Pascal Miezan, il savait toujours où me trouver pour punir l’adversaire.

I.T : quel a été votre impression du championnat ivoirien ?

Brima Mazzola : j’ai aimé la passion du foot dans ce pays. De 1960 à 1990, vue de l’extérieur, la Côte d’Ivoire avait une fondation solide. J’étais comme un enfant dans une bonbonnière, au sens propre du terme. Nous y avons rencontré des footballeurs de toute l’Afrique. J’ai été élu meilleur joueur, j’ai remporté deux fois le championnat, deux coupes nationales et deux coupes Houphouët boigny en 3ans. J’ai adoré ce que j’ai vécu. En rien du tout comparable à la Sierra Léone de l’époque. J’espère vraiment que les responsables du foot pensent à pérenniser les valeurs des anciens. La vie à Abidjan était belle. Les forces de l’ordre, les citoyens ordinaires. Tout le monde nous admirait. La Côte d’Ivoire c’est ma seconde patrie.

I.T : quels joueurs vous ont le plus impressionnés ?

Brima Mazzola : bien sûr, feu Pascal miezan. Très intelligent comme footballeur. Lago Patrice, Monguehi François et l’homme à la tête magique, Feu Lebry Manahoua. Un mec comme feu Gnahore Emile qui allait très vite depuis sa position de latéral droit pour peser sur la défense adverse. Youssouf Fofana de l’ASEC.

 

Mme Aisha Johansen, Présidente de la fédération Sierra Léonaise de Football en compagnie du Vice-président Brima Kamara

I.T : pourquoi être parti si tôt si vous avez tant aimé ce pays?

Brima Mazzola : écoutez, l’absence de contrat avec le club et la négativité croissante de certains défenseurs m’ont convaincu qu’il fallait chercher ailleurs. Je commençais sérieusement à être la cible de certains défenseurs comme Guidi Ignace, lui qui m’a carrément planté les deux pieds dans la poitrine au cours d’un match contre le stade d’Abidjan.

J’ai été sorti pour soins mais

dès que je rentre sur la pelouse, Miézan me sert le caviar sur un plateau d’or et je fusille le Stade d’Abidjan. Ce fut 1-0 en notre faveur mais ça devenait de plus en plus dangereux.

Vous savez, j’ai été contacté par Joyer Yacine de Fraternité Matin pour le compte du PSG mais nous étions en intersaison. Plusieurs clubs s’intéressaient à moi et je sais que Mr zinsou me le cachait. Il m’a confié un jour qu’il voulait que je lui donne encore un an si je voulais le quitter. Il savait que les offres venaient de partout. Dommage ! Pourtant, me laisser partir en toute confiance aurait profité à l’Africa Sports.

Finalement des amis aux Etats-Unis m’on informé que des universités offraient des bourses sport et études. (Indiana-Californie). J’ai opté pour la bourse américaine. Au moins avec les études je pouvais espérer à une reconversion. Ma fiancée de l’époque, qui est aujourd’hui mon                                                                           épouse m’a aidé dans ma décision.                                                                                    

 I.T : quel était votre traitement salarial à l’africa ?

Brima Mazzola : je percevais 300.000f CFA /mois + des bonus+une voiture et un appartement. Par contre, j’insiste qu’avec un contrat, j’aurais eu certaines garanties dans les clauses. C’est ainsi que je me suis dit qu’il fallait assurer l’avenir donc je suis parti pour des études de Business, Assurances et Immobilier. Je suis revenu à l’Africa en 1986 pour un an mais cette fois avec un contrat de 10.000 dollars américains en plus des bonus et un appartement. Le club avait un médecin donc je n’avais pas besoin de police d’assurance maladie. J’insiste qu’aujourd’hui ce sont des choses qui ne ce seraient pas produites avec les milliards qui sont empochés par les jeunes gens. C’était une autre époque.

I.T : pourquoi votre deuxième passage a été d’aussi courte durée ?

Brima Mazzola : Je n’avais plus la forme de 81, C’est vrai que nous avons gagné la coupe contre les dissidents(*******) de l’africa qui étaient allés former le CNOU (Kobinan, Sekou Coulibaly et autres), mais Ismaël et Antoine Bell étaient partis au Arab Contractors. De surcroit, le football aux Etats-Unis était de niveau moyen, donc j’avais perdu mes reflexes. Du coup, après six mois, j’ai du retourner en famille. Depuis, j’ai perdu contact avec le président Zonsou, mais mon ami Sékou Coulibaly me donne des nouvelles du pays constamment. Ce monsieur a été pour beaucoup dans mon intégration chez les « Oyés ».

I.T : Vous avez connu beaucoup de succès dans votre carrière. Avez-vous des regrets ?

Brima Mazzola : notre époque n’a pas connu la gestion qui entoure le footballeur moderne. De nombreux footballeurs d’exception n’ont pas pu tirer profit de leur talent. On a coutume de dire qu’ils jouaient pour l’amour du sport mais il faut avouer que ceux qui géraient le sport n’ont rien fait pour aider tous ces talents naïfs. A Abidjan, je n’avais pas de conseiller, mais après tout c’était mon destin. Abidjan m’a servi de tremplin pour forger mon avenir. J’ai cinq filles qui ont fait de grandes études. L’une d’entre elle est l’écrivaine  Veralyn Kamara. Je remercie mon créateur pour ces bienfaits. 

I.T : Un mot à l’endroit de l’ancien contingent étranger à l’africa ?

Brima Mazzola : J’ai revu Bell il ya deux ans dans ma fonction de Vice-président de la fédération. C’était au Cameroun. Il vit à Douala, mais il s’est arrangé à me rejoindre à Yaoundé pour une belle rencontre. Nous gardons de très bons rapports. Quant à Ismaël, Nous avons connus des moments d’intenses émotions au cours des confrontations directes en club à Freetown, en équipe nationale et avec l’Africa. Après l’Egypte, il est rentré au pays où il était entraineur, mais en 1986 sa santé a commencé à se détériorer alors que j’étais en Sierra Léone pour un match. Au niveau des Etats-Unis, nous nous sommes mobilisés pour ses soins.  Une âme charitable l'a transféré en Chine pour le soigner et c’est là-bas qu’il lui a été signifié qu’il avait un cancer déjà avancé. De retour à Freetown, nous l’avons évacué aux USA pour des examens approfondis et comble de malchance ce fut le même diagnostic. Le pauvre, il a préféré que sa dépouille soit enterrée à Boston en 1996 parce qu’il n’était pas content du manque de soutien de la part du gouvernement de l’époque.

Ses enfants sont aux Etats-Unis. Son père qui fut président de club est lui aussi décédé.

I.T: Mazzola, en quoi consiste une journée typique pour le patron de fédération que vous êtes?

Brima Mazzola: C’est la gestion du football de mon pays. Quelle fierté ! Comme vous le savez, avec la crise mondiale due au COVID-19, nous sommes obligés de travailler soit, par Internet ou au téléphone jusqu’à ce que le gouvernement nous dise qu’il ya de nouvelles dispositions en place. Les locaux de notre académie sont en ce moment utilisés par le gouvernement dans sa coordination de la riposte contre la pandémie. Ce qui veut dire que nous sommes impliqués a 100%. La santé et le sport sont indisociables. Je prie que le Tout Puissant nous débarrasse de ce mal qui frappe la planète entière. Le football, les fans et tout le système est dévasté mais nous avons espoir.

Brima Mazzola Kamara en compagnie de Georges Weah, Président de la République du Liberia
Des bus Mazzola dans le transport en commun à Freetown (la reconnaissance de la Nation)
Mazzola: Commissaire de la CAF
Mme et Mr Brima Mazzola Kamara dînent en compagnie des filles.

I.T : Monsieur Brima Mazzola Kamara, monstre sacré du football, aujourd’hui Vice-président de la fédération Sierra léonaise. Avez-vous un message pour clore cet entretien ?

Brima Mazzola Kamara : A la jeunesse, je peux confirmer et je suis d’avis que les opportunités foisonnent à travers le monde, mais il faut être discipliné et ne pas oublier les études si possible ou une formation quelconque, car la carrière d’un sportif est très courte. Vous serez ainsi prêts à affronter les réalités de la vie.

Je suis heureux d’avoir eu l’opportunité, de retrouver les fans à travers votre magazine ivorycoasttribune.com qui revalorise les anciennes gloires du football continental. Vous avez tous mes encouragements. A notre époque, c’est vrai que nous n’avons pas connu la richesse financière mais grâce à l’organisation du football dans votre pays, nous autres avons pu nous forger un avenir. Plusieurs joueurs étrangers ont connu le succès grâce à ce pays qui est ma deuxième patrie. Je n’hésiterais pas à retourner vivre en Côte d’Ivoire pour son hospitalité légendaire.

J’apprends que mon Club, l’Africa Sports traverse des moments difficiles mais je suis convaincu que des dirigeants sérieux remettront tout en place pour notre bonheur à tous. Votre magazine nous permet de revivre de grands moments de l’histoire du football africain. Je vous remercie pour l’excellente idée que vous avez eue. Nous conseillerons aux sponsors de vous accompagner.

A la nouvelle génération de professionnels, n’oubliez pas de créer des associations d’anciens dans chaque pays, car après le foot, il ya la vie et la reconversion au pays. C’est maintenant, avec tous vos moyens qu’il faut creer l’après foot et aider la jeunesse.

Aux investisseurs, je les encourage à venir voir les académies ici chez nous. Il ya du talent en abondance. Vous ne serez pas déçus.

Vive le football !

 

L’écrivaine Veralyn Kamara. Une fierté pour Mazzola
Remise de diplômes chez les Kamara

**************Une succession d'événements incompréhensibles a contribué à la dissidence  qui a  fini  par vider l'Africa Sports d'Abidjan de la moitié de ses vedettes qui iront fonder l’ossature de l'équipe du CNOU des Kobinan Kouma et autres Sékou Coulibaly.

Après la demi-finale victorieuse de la 6ème coupe des coupes en Algérie, l'équipe est reçue par le Président Houphouët Boigny qui offre 25000.000f (Vingt cinq millions) Cfa aux joueurs. La prime ne sera jamais perçue par les finalistes qui se retrouvent en retraite à Taabo pour une semaine dans des conditions difficiles. Mr Norbert Gbétibouo arrive à convaincre les joueurs de participer à la finale de la coupe.

Par ailleurs, La rencontre prévue Samedi, a due être reportée au Mardi de la semaine suivante sur insistance de Mazembé. Le retour de l'Africa Sports à Abidjan s'effectue en vol charter avec des turbulences effroyables le jour de la finale. C’est la mort dans l'âme que l'Africa Sports, en victime expiatoire apeurée et démoralisée, se déculotte face aux Zairois qui solidifient  leur palmarès en remportant la coupe en terre étrangère.

La suite serra l'arrivée de Joseph Antoine Bell, Ismaël Dayfan, Attoh Mensah Brima Mazzola Kamara et la légion étrangère qui écrira l'une des plus pages de l’ère Simplice Zinsou.

Publié par Claude B. Djaquis Ivorycoasttribune.com/[email protected] 25/05/[email protected] Remerciements à Joachim Bolou (Archives) Sékou Coulibaly, ex Aiglon.